Ar’ka l’myr!

La Nouvelle Liées, est disponible sous forme de premier jet sur le site Scribay: ici

Elle vous permettra de comprendre mieux le lien qui uni les frères Ar’Gowarg entre eux! Le peuple où hommes, femmes, louves et loups marchent côte à côte!

Bonne lecture!

Liées (1)

Liée

Le louveteau reniflait en agitant son petit museau rosé. Son pelage encore clair et ras était doux comme une soierie de vers filants. La louve léchait amoureusement son petit, et attribua le même geste à ses autres enfants qui couinaient doucement.

Svrel et Cilv observaient la scène, pleins d’espoir. Le premier croisait les bras semblant satisfait. Son comparse, canidé rehaussé d’épines dorsales, tenait dans sa gueule un linge en forme de baluchon. Un nouveau-né humanoïde s’y débattait nonchalamment.

Le shaman s’approcha d’eux en souriant de ses dents taillées en pointe :

«  Natifs du second Waraga de Draconis, ils seront des loups des montagnes forts et téméraires. Leurs yeux ne sont pas encore ouverts mais leurs sens sont déjà en éveil. Votre chiot date de… ?

–Hier, le même jour qu’eux, répondit la voix mentale de Cilv.

–Fort bien, laissons-les faire connaissance alors. Les autres parents ne devraient pas tarder non plus. Nous allons les déposer dans la grande maison de Wargen, faites vos incantations de chance. »

Les Ar’Gowarg, dignes héritiers du Démon Loup, prirent ensemble le chemin vers la vaste hutte de pierre et de vigne vierge entremêlées. A la tête du cortège, gonflé par d’autres arrivants hommes et bêtes, le Shaman Rahon Kalji chantait les litanies de bénédictions pour les grandes Cérémonies de Liaison.

Arrivés enfin dans la grande pièce semblant être une arène couverte, l’on déposa tous les jeunes naissants des deux races sur la piste, et l’on alla prendre place sur les gradins, séparés par un promontoire. Cris et pleurs ne couvraient pas la cantonade reprise à présent par tous les adultes, soutenue par les hurlements lupins de leurs frères et sœurs.

Le cercle fit son chemin, et à mesure que les heures colorées s’écoulaient dans le ciel d’Argaël, la terre sacrée de ces gens, les couples se créaient en contre-bas.

C’est d’une voix puissante, et douée d’une double parole humaine et animale que Rahon annonça à la tombée des couleurs de Nox :

« Un loup pour un homme. Un homme pour un loup. Liés à jamais dans l’équilibre de cette vie, par le sang et la fortune de la naissance ! »

Il rejoint les nourrissons des deux races, et sortit sous les yeux de ses oilles le couteau lamellaire courbe servant au rituel, son Griva précieux. Construit avec les os de son propre frère quand il accéda au rang prestigieux de Shaman, il s’abaissa et entailla le premier duo, échangeant leurs sangs de quelques petites gouttelettes.

Ensuite, les parents de chacune des deux créatures venaient reprendre leur enfant. Le nouveau lien créé les forçait à du changement. Ils devraient sortir d’ici en faisant un choix. Soit leurs familles fusionneraient afin de ne pas séparer ceux qui venaient d’être assemblés, soit l’un des partis cédait l’éducation et la garde à l’autre. Puis, quand la décision était enfin prononcée haute et claire devant tous, ils pouvaient s’en retourner.

Les naissances avaient été nombreuses lors de ce cycle, et ce n’est que lorsque le ciel bleuté fut zébré d’un vert émeraude indiquant l’approche des heures ascendantes, que la dernière liaison fut scellée.

 Svrel et Cilv s’inquiétaient. Toujours perchés sur les sièges froids, ils cherchaient du regard leur petit… Quand ils le virent, un profond désespoir gagna le cœur des deux frères. Le bébé demeurait seul. Il n’y avait qu’une poignée de quatre Refusés, mais leur progéniture en faisait partie. L’ombre du déshonneur planait.

La mort dans l’âme, ils joignirent tête basse leur chef spirituel, qui les rassura en leur remettant le petit être :

« Le cycle n’est pas fini, Myr’s. D’ici sa fin, je ne doute pas que nous aurons trouvé l’âme sœur de notre amie… Quel nom lui avez-vous donné ?

–Mran, Myr’Wargonis, c’est ce que sa mère avait choisi comme nom avant de succomber des suites de la mise à bas, avoua le veuf en serrant le poing.

–Ho, alors elle a été baisée par Nécromant… Je prierai le Second Fils pour que votre petite Mran ne soit pas frappée par l’opprobre du vil Héro Mortuaire. Ne perdez pas espoir. »

Chaque cercle qui suivit, et jusqu’à la fin du cycle, les deux frères vinrent assister aux Cérémonies de Liaison. Affluaient de tout Alesha, la région de nos compères, les candidats. Ces lieux demeuraient un pèlerinage obligatoire pour tous les Aleshéens qui enfantaient. Tant et si bien que Lapara, la ville voisine, s’était spécialisée dans l’accueil de ces fidèles. Même lorsqu’il s’agissait d’une chose aussi importante que le rituel du lien, il n’y avait pas de petit profit.

Quand le dernier cercle du cycle vint, Mran n’avait toujours pas de frère loup. Ses pères désespéraient. Pourquoi tant de tourments leur étaient infligés ? Une compagne décédée ne suffisait-elle pas ? Il fallait en plus que la fille devienne sans bannière et quitte ces lieux sans secours aucun ? Couvrant de honte ses parents !?

Le vieux shaman les força à se résoudre à l’évidence. Deux solutions s’offraient. La première était d’aller jusqu’à la frontière Arcanienne et de confier le nouveau-né à qui voudrait bien s’en occuper. Souvent, les frontaliers impérialistes en profitaient pour récupérer là quelques esclaves sans débourser leurs précieuses sphères. Où laissaient ces poids morts sécher au soleil. Après tout, personne ne voulait plus d’eux, alors ça n’avait que peu d’importance. La rumeur courrait que les Tracals, hommes ailés et ennemis héréditaires des Ar’Gowarg, se faisaient un plaisir d’exhiber ce type d’asservis en les nommant des chiens. Cette perspective n’enchantait ni Svrel, ni Cilv. Ne restait plus que la seconde et non moins risquée solution. L’exposition aux loups vagabonds.

Il s’agissait là d’un droit coutumier, gage de dernière chance. Mran serait déposée à la croisée d’une route, et si un loup passait, il pouvait décider de se lier à elle. Ou de la dévorer. Parfois, l’on pouvait attendre trop longtemps avant que quelqu’un ne veuille bien prendre le bon chemin et voir l’enfant. Dans ces cas-là, il était déjà souvent mort de froid, ou de déshydratation. Mais ce choix était de loin le plus honorable.

« Après tout, murmura le père humanoïde, la vie ne vaut rien si l’on n’est pas un Loup. Je préfère la voir retourner à la Terre des Âmes plutôt que de grandir contre le sein de nos impies voisins. »

Ils partirent d’un pas décidé, prêts à rejoindre leur clan, et à quelques lieux, déposèrent le linge grisonnant avec la Refusée. Sans tourner une seule fois le dos, ils la laissèrent là, gisant dans le froid des hauts plateaux d’Alesha.

Rahon Kalji s’éveilla après une nox de sommeil. Que ne fut sa surprise, quand dans l’embrasure de la porte de sa hutte il découvrit une Louve des Vents blanche. Fine et élancée, celle-ci tenait dans sa gueule sans lui faire mal… un petit bébé.

Il posa les bras au sol en remerciant le Grand Wargen d’avoir exaucé sa prière. Puis procéda en hâte au rituel.

Lorsque ce fut finit, grâce à sa maîtrise de la langue animale, obligatoire pour ceux de sa caste, il demanda à la louve vagabonde son nom et ses raisons :

« Je me nomme Finil, je n’ai que deux Ecta Saï, mais jamais je ne trouvai mon âme sœur avant hier. J’ai ressenti sa présence par-delà les forêts, les rivières et les éperons rocheux. Je l’ai trouvée aujourd’hui.

–Quel nom donnes-tu alors à ta sœur, Finil ? Car tu n’es pas sans savoir qu’elle est exposée, et par conséquent, a perdu toute filiation.

–Saheva sera son nom. Et je demande à rester auprès de votre clan, car je saurai me rendre utile, et elle aussi le temps venu.

–Tu es sage Finil. Tu as déjà mon approbation, il ne manquera plus que celle de l’Alpha Guerrier Kalji pour que tu restes. Je ne doute pas de cette obtention cela dit. »